Ce mois-ci, le nouvel épisode de cuisine d’archi vous invite à découvrir une cuisine évolutive pensée pour accueillir des moments de vie joyeux à 2 ou 10, grâce à des éléments de mobilier sur mesures et mobiles pensés par Julie Dehaut. Une idée géniale si, comme nous, vous adorez avoir du monde en cuisine ! Alors, prêts à pousser les meubles avec nous ?
Julie, peux-tu nous en dire un peu plus sur ton agence et sur toi ?
Depuis très jeune, je suis fascinée par les espaces bien pensés, la matière et la lumière. C’est donc assez naturellement que, à mes 18 ans, je me suis inscrite en École d’architecture. Grâce à ces études et 7 années au sein d’une agence bordelaise, j’ai découvert un univers extrêmement rigoureux et riche où le savoir doit en permanence être dévoré et digéré. Selon moi, l’architecture n’est jamais pensée et dessinée au hasard; la création doit être au service d’une multitude de données pour arriver à une réponse précise, juste et harmonieuse. Évidente même.
En 2017, nous avons créé notre agence. Loin de l’architecte inaccessible, nous exerçons notre métier comme des artisans. Sur mesure. Nous avons à cœur de développer une architecture simple, à la fois fonctionnelle et esthétique et toujours définie par les modes de vie de nos clients. Pour nous, le projet est un travail d’équipe et d’échanges et le moyen d’exprimer nos réflexions sur l’usage, sur la culture d’un lieu et la matérialité de ses espaces, … Autant d’éléments qui fondent un projet et le rendent, à chaque fois, unique.
Dans quel contexte avez-vous réalisé la cuisine dont tu vas nous parler aujourd’hui ?
Nous avons imaginé cette cuisine dans le cadre d’une rénovation/surélévation d’une maison près de Bordeaux.
Au moment des travaux, les clients vivaient déjà dans cette maison des années 70 et souhaitaient l’agrandir pour mieux la faire correspondre à leur mode de vie.
Dès notre première visite de site, nous avons proposé aux clients de repenser tout le rez-de-chaussée pour connecter l’ensemble des pièces de vie au jardin. Et la cuisine qui, à l’origine, ne se trouvait pas du tout au même endroit a été déplacée pour devenir le véritable lien entre la terrasse et le séjour.
Les clients ont été très à l’écoute et très enthousiastes devant notre proposition. Le projet était lancé !
Quelles ont été vos sources d’inspiration pour ce projet de cuisine évolutive? Et en général dans votre approche ?
Je parle très souvent d’instinct de l’architecte. Quand je visite un lieu pour la première fois, il y a toujours un ressenti et une grande idée qui se dessine assez rapidement. Pour moi, l’enjeu de chaque projet est à la fois de prendre en considération le mode de vie des clients tout en exploitant, au maximum, les potentialités du lieu pour arriver au meilleur résultat possible. En ce sens, le lieu lui-même est notre plus grande source d’inspiration.
Une cuisine est un lieu de vie, de passage et d’échange. Elle doit donc à la fois être conçue pour répondre à ces usages et pensée en harmonie avec le reste de la maison. Et, le jeu des matières, des couleurs, des formes et/ou des dimensions est essentiel y parvenir. Ici, le positionnement de la nouvelle cuisine a été très instinctif : en proue de la maison, totalement orientée et ouverte sur le jardin mais subtilement connectée aux autres pièces grâce, notamment, à un meuble/placard central qui se déploie dans toute la maison.
Suivez-vous les tendances dans votre travail ? Que pensez-vous de la notion de mode/tendance en architecture ?
Sur le plan purement « déco », le choix des matières et des couleurs, nous essayons de créer des projets intemporels composés de matériaux simples mais de qualités et qui mettent en valeur l’espace et la lumière.
Pour autant, je crois qu’il est toujours intéressant d’être au courant des tendances et de ce qui se fait ailleurs. Le tout est de trouver un juste équilibre entre l’inspiration, la tendance et l’écriture personnelle. Et puis, pour être parfaitement honnête, je pense que nous sommes, d’une manière ou d’une autre, tous conditionnés par les tendances. Un architecte se nourrit d’images, d’ambiances de voyages, de ressentis, … Ce qui nous entoure alimente nos projets, alors finalement, je me demande : est-ce que faire de l’intemporel n’est pas, aussi, une forme de tendance ?
Et finalement, pourquoi pas la tendance si le projet est cohérent et qu’il fonctionne. Une décoration se change alors que la position d’une pièce ou d’une fenêtre est plus définitive. Pour moi l’enjeu est de créer des espaces modulables et adaptables pour que le projet puisse évoluer avec les clients et suivre les tendances s’ils le souhaitent.
Quel est votre rapport à la matière et à la couleur ? Et plus précisément sur ce projet ?
Nous aimons nous laisser la liberté d’avoir une approche spécifique sur les matières et les couleurs pour chaque projet. Pour la forme c’est pareil, chaque projet est unique, mais nos outils sont les mêmes. Pour trouver les proportions justes des façades, des percements et des pièces nous travaillons en maquette. Des maquettes blanches, dépourvues de toute texture. Un tête à tête avec la forme et la lumière pour vérifier l’harmonie du projet.
Ici, l’idée était de créer un volume blanc et épuré au milieu du jardin pour gommer les nouvelles dimensions, assez imposantes, de la maison. Une idée qui a tout de suite été validée et adoptée par les clients et qui nous a permis de concevoir la maison comme un écrin sculpté pour offrir des usages, cadrer la lumière et le paysage du jardin.
Et la cuisine suit cette même idée. On y retrouve du blanc, du bois naturel et de grandes ouvertures pour faire entrer le jardin à l’intérieur.
Penser une cuisine évolutive et vivante
La cuisine est très connectée au jardin, peux-tu nous en dire plus sur ce choix ? Le jardin est-il pensé comme une pièce en plus de la maison ?
En réalité, le jardin a été le point de départ de la conception de la cuisine et, plus largement, de la maison. Je ne sais pas si tu l’as remarqué mais lorsque tu ouvres les baies vitrées, elles coulissent derrière le doublage et disparaissent. La frontière entre le dedans et le dehors n’existe plus, il n’y a donc qu’à ouvrir les baies de la cuisine pour se croire à l’extérieur.
Si en hiver les larges ouvertures permettent aux pièces de vie d’être baignées de lumière naturelle, dès l’arrivée des beaux jours, terrasse et cuisine ne font plus qu’une. L’idée était de faire rentrer un peu de nature à l’intérieur de cette univers blanc et épuré et de donner envie aux propriétaires de profiter au maximum de leur jardin.
Alors oui, dans son usage, le jardin est une pièce en plus mais il est aussi le décor du projet. Je le vois comme une sorte d’écrin vert qui accueille la construction. Une base avec laquelle le projet – pour exister – doit étroitement dialoguer.
La cuisine est-elle pensée comme un espace de pause ou plutôt comme un lien entre les différents espaces de vie ?
Inévitablement, par sa position et sa configuration, la cuisine est un espace de transition entre le jardin et le salon. Mais je crois que c’est aussi un vrai lieu de pause. On prend le temps d’y boire un jus de fruit avant d’aller se reposer sur le canapé ou sur un transat, on y cuisine ensemble de bons petits plats avant de les savourer dans la salle à manger ou sur la terrasse, …
Tout comme dans les autres pièces de vie de la maison, nous y avons créé plusieurs circulations. C’est un espace à la fois traversé et traversant, le lieu où tout le monde se croise le matin avant de partir à l’école ou au travail mais aussi celui ou l’on se retrouve le soir. Finalement, la cuisine est la pièce où la journée commence mais aussi celle où elle se termine. Il était important pour nous que chacun puisse s’y retrouver à n’importe quel moment de la journée.
Le détail particulièrement original de cette cuisine est l’îlot sur roulettes, comment vous est venue cette idée de cuisine évolutive?
Avec une cuisine ouverte comme celle-ci, la notion de perméabilité est visuellement très forte. Nous voulions que cette sensation se retrouve aussi dans l’usage. Nous avons donc beaucoup réfléchi autour de la modularité de l’espace et imaginé cet îlot sur roulette comme réponse.
Dès que les beaux jours pointent le bout de leur nez, les habitants peuvent le déplacer sur la terrasse. Pratique, c’est aussi un moyen supplémentaire pour eux de s’approprier encore un peu plus les lieux. Et puis, grâce à ce système mobile, la cuisine peut s’agrandir ou rétrécir selon les occasions et le besoin d’intimité. La cuisine, vivante, s’adapte au quotidien d’une maison familiale.
Quel est ton propre rapport à la cuisine ?
J’adore manger et cuisiner ! J’ai un rapport très proche à la cuisine et à ce qu’elle contient. Pour moi, la cuisine raconte une histoire, une vie de famille, un rapport à la vie. J’aime qu’une cuisine soit remplie, pour moi ça a quelque chose de rassurant.
Ma cuisine idéale est une cuisine vivante, chaleureuse. J’aime composer l’espace avec différentes matières alors j’imagine un plan de travail en bois, des étagères et un robinet laiton et un évier timbre d’office en céramique.
Et, pour finir, quel est selon toi l’ustensile ou l’élément déco à retrouver dans toutes les cuisines ?
Au même titre que le paysage est un décor pour un projet, pour moi la nourriture est le décor de la cuisine. J’aime y voir ou y apercevoir de la nourriture. Les pots en verre remplis de riz ou de lentilles, un jambon sur le coin d’un billot, une bouteille de vin à température ou encore un bon pain de campagne sur une planche en bois près à être coupé, sont pour moi autant d’éléments qui donnent envie de se mettre aux fourneaux et de se retrouver en cuisine.
Merci Julie d’avoir partagé ce moment en cuisine avec nous !
Projet : Julie Dehaut
Photographies © : Fabio Semeraro
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